Produire de l'électricité avec de l'urine: Quatre collègiennes Nigérianes réussissent le pari
C’est un secret de polichinelle: l’accès à l’électricité reste un problème majeur dans bon nombres de pays africains.
Du Cap au Caire, en passant par Dakar, Yaoundé et Lagos, les coupures d'électricité exaspèrent les populations. Au point, parfois, de leur donner des idées de génie!
A Lagos, une collégienne de 14 ans a mis au point un générateur d’électricité avec de l’urine, informe Le figaro. L’idée parait folle mais suscite beaucoup d’espoir.
L’idée est de faire fonctionner le générateur d’électricité avec de l’urine plutôt que du diesel, beaucoup plus cher, polluant et qui présente des risques d’accident. C’est en naviguant sur la toile que Aina Duro Adebola a eu l’idée d’une telle conception.
«J’ai lu sur Internet que cinq personnes avaient été tuées par des émissions de monoxyde de carbone. Cela m’a profondément choquée que des gens meurent intoxiqués par des générateurs. Et je me suis demandé ce qu’on pourrait faire pour ne plus rejeter de gaz nocifs dans l’environnement», a expliqué la collégienne.
Lagos, la plus grande ville d’Afrique, peuplée d'au moins 15 millions d'habitants vit au rythme des coupures d'électricité. Le projet, encore au stade expérimental, étonne et suscite des espoirs.
Le système mis au point par Duro-Aina et ses copines a l'avantage de la simplicité: une cellule électrolytique est trempée dans de l'urine, pour séparer l'hydrogène qu'elle contient avant de la purifier dans un filtre à eau. Une fois isolé, cet hydrogène d'origine 100% naturelle est poussé dans le générateur qu'il alimente. Avec cet ingénieux système, fabriqué dans le cadre de leurs cours de chimie, les quatre collégiennes nigérianes affirment pouvoir alimenter en électricité quelques ampoules, une télévision et un ventilateur pendant six heures. Tout cela avec un seul litre d'urine.
Les quatre camarades de classe avaient déjà fait sensation en novembre 2012 à la Foire des inventeurs de Lagos, la capitale du pays. La mégalopole de 15 millions d'habitants consomme près de la moitié de l'électricité nationale mais vit au rythme des coupures de courant. Problèmes logistiques, vétusté des centrales, sabotages, les black-out sont fréquents et n'épargnent même pas les aéroports.
Le projet des quatre jeunes filles, encore au stade expérimental, suscite beaucoup d'espoir. «C'est une alternative non toxique, transportable et abordable», s'enthousiasme la journaliste Sally Magnusson, auteur britannique de Life of Pee (La vie du pipi).
L'urine comme carburant, ce n'est pas une idée si nouvelle que cela. Des recherches sont menées depuis plusieurs années en Europe et aux États-Unis, où le traitement des eaux usées coûte une fortune.1,5% de l'électricité produite aux États-Unis est consommée par les usines de retraitement. «On perd de l'énergie pour traiter l'urine, alors qu'on pourrait produire de l'énergie avec l'urine», résume le professeur Shanwen Tao. Avec ses étudiants de l'université Heriot-Watt, en Écosse, il a donc concentré ses recherches sur l'urée, un composé organique naturellement présent dans l'urine des êtres humains (environ 2%). Utilisée dans les poids lourds pour réduire leurs émissions, l'urée est aujourd'hui fabriquée industriellement à partir d'ammoniac et de dioxyde de carbone. «Les êtres vivants produisent 38 milliards de litres d'urine chaque jour», ont calculé des chercheurs britanniques du Bristol Robotics Lab. De quoi alimenter des millions de carburateurs écologiquement.
Le «facteur beurk»
Devant la moue dubitative de nombreux scientifiques, qui rappellent qu'il est encore difficile d'obtenir une urée «pure» et naturelle en quantité industrielle, les chercheurs britanniques rétorquent que les résistances sont essentiellement culturelles. «La perception des gens est un frein important. Ils ne veulent pas utiliser leurs eaux usées comme source d'énergie», a expliqué le biolgiste Robert Goodfellow à la BBC. Il appelle cela le «facteur beurk».
«On produit des millions de litres d'urine chaque année aux États-Unis, tonne Earl Braxton, gérant américain d'une entreprise de toilettes mobiles. Extraire l'urine serait beaucoup plus profitable qu'extraire de l'or ou du pétrole.» Pourtant, même la Nasa a dû lutter pour convaincre ses astronautes que l'urine recyclée de la station était réutilisable, voire consommable.
Il reste encore beaucoup de travail avant d'espérer pouvoir produire, à grande échelle, des carburateurs et des piles à combustibles utilisant de l'urine. Les chercheurs britanniques et les collégiennes nigérianes restent pourtant optimistes. Les chiffres sont étonnants. Un adulte produisant entre un et deux litres d'urine par jour, ces chercheurs estiment que chacun d'entre nous produit assez d'urée sur une année pour faire rouler une voiture sur 2700 kilomètres.